
Résumé :
Publié en 1925, Les Faux-monnayeurs est considéré comme le grand roman d’André Gide, et souvent cité comme l’un des premiers exemples de « roman total » ou de « roman du roman ». L’œuvre se distingue par sa structure complexe, son foisonnement de personnages et sa réflexion sur la création littéraire. Le récit mêle plusieurs intrigues qui s’entrecroisent, tout en introduisant une mise en abyme à travers le personnage d’Édouard, écrivain qui cherche à composer un roman… intitulé Les Faux-monnayeurs.
L’histoire principale suit Bernard Profitendieu, un adolescent en crise qui découvre qu’il est un enfant illégitime. Révolté, il quitte le foyer familial pour se lancer dans une quête de liberté et de vérité. Son chemin croise celui d’Olivier Molinier, son ami, puis celui d’Édouard, oncle d’Olivier et écrivain tourmenté. D’autres figures gravitent autour de ce noyau : Vincent Molinier, le frère aîné d’Olivier, impliqué dans une relation ambiguë avec Laura, une femme mariée ; le jeune Georges, victime de harcèlement scolaire ; ou encore Boris, adolescent fragile aux prises avec une société indifférente.
Le thème du « faux » traverse tout le roman : faux-monnayeurs au sens propre (une affaire de fausse monnaie est mentionnée), mais surtout « faux-monnayeurs » de la morale, de l’amour, de la littérature et des idéaux. Gide explore la duplicité des êtres, l’hypocrisie des institutions (l’école, la famille, la religion), et la difficulté d’atteindre une vérité authentique, tant dans la vie que dans l’écriture. Le roman met également en scène des questions d’homosexualité, de liberté individuelle, de responsabilité, dans un contexte troublé où les repères traditionnels vacillent.
Conclusion :
Les Faux-monnayeurs est une œuvre ambitieuse et innovante, où André Gide déconstruit les conventions du roman réaliste pour explorer la complexité de l’âme humaine et les tensions morales de son temps. À travers un jeu de miroirs narratifs et une pluralité de points de vue, il interroge la notion d’authenticité – dans les actes, les sentiments et la création artistique. En révélant les masques que chacun porte, Gide compose un roman profondément moderne, qui demeure une référence majeure dans l’histoire de la littérature française.
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Biographie :
André Gide, né le 22 novembre 1869 à Paris et mort dans la même ville le 19 février 1951, est une figure majeure de la littérature française du XXe siècle. Auteur prolifique, il s’est illustré par la diversité de son œuvre, mêlant roman, journal intime, théâtre, essais et critique. Son style sobre et rigoureux, allié à une quête constante de vérité personnelle, a profondément influencé la littérature moderne. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1947.
Issu d’un milieu protestant strict et bourgeois, Gide grandit dans une atmosphère à la fois intellectuelle et austère. Son éducation rigide le pousse très tôt à s’interroger sur les fondements de la morale, de la religion et du désir. Dès son adolescence, il se tourne vers l’écriture pour exprimer ses doutes et sa sensibilité singulière.
Son premier ouvrage, Les Cahiers d’André Walter (1891), déjà fortement autobiographique, annonce une œuvre marquée par l’introspection et l’analyse psychologique. C’est en 1891 également qu’il rédige le Traité du Narcisse, bref essai en prose poétique publié en 1893 dans La Revue blanche, puis en recueil. Dans ce texte d’inspiration symboliste, Gide s’empare du mythe de Narcisse non pour en faire une figure de vanité, mais pour en explorer la dimension mystique, esthétique et existentielle. Il y développe l’idée que la beauté, en tant que reflet de soi, est un chemin vers la connaissance intérieure. Le Traité du Narcisse témoigne de l’influence de Stéphane Mallarmé et d’un certain néo-platonisme alors en vogue dans les cercles littéraires décadents.
Au fil des décennies, Gide approfondit sa réflexion morale et sociale à travers des romans emblématiques comme L’Immoraliste (1902), La Porte étroite (1909), Les Caves du Vatican (1914) ou encore Les Faux-Monnayeurs (1925), considéré comme le premier roman français pleinement « moderne » par sa construction et sa mise en abyme. Son Journal, tenu pendant plus de 60 ans, est aussi un document littéraire et psychologique majeur du XXe siècle.
André Gide n’a jamais hésité à prendre des positions audacieuses, que ce soit contre le colonialisme (Voyage au Congo, Retour du Tchad) ou face aux dérives du communisme soviétique, qu’il dénonce dans Retour de l’URSS (1936). Ces prises de position, comme son homosexualité assumée, ont fait de lui une figure souvent contestée, mais toujours respectée pour son exigence intellectuelle et morale.
Conclusion :
André Gide fut un écrivain de la vérité personnelle, de la liberté intérieure et du refus du conformisme. Son Traité du Narcisse, bien que court, résume déjà cette quête d’identité et de dépassement de soi qui irrigue toute son œuvre. Par son exigence morale, sa lucidité critique et sa modernité formelle, Gide a ouvert des voies nouvelles à la littérature française et européenne. Il demeure aujourd’hui un auteur fondamental pour qui cherche à comprendre les tensions entre l’individu et la société, entre l’éthique et le désir, entre la beauté et la vérité.
Serge

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