
Résumé :
Ce recueil regroupe trois récits complémentaires (L’École des femmes, Robert, Geneviève), écrits entre 1929 et 1936, qui abordent la question du mariage, de l’éducation sentimentale, de la sexualité, et de la liberté individuelle. À travers ces textes, André Gide explore les fondements de la vie conjugale et la manière dont l’institution du mariage peut étouffer les aspirations profondes des êtres.
- L’École des femmes (1929) :
Dans ce premier récit, Gide présente Eveline, une jeune femme éduquée dans une morale rigide, qui épouse un homme mûr, Jacques. Celui-ci, prétendant la « former » à la vie conjugale, applique une pédagogie du contrôle, persuadé d’agir pour son bien. Mais peu à peu, Eveline s’éveille à ses désirs, découvre l’hypocrisie de son mari et revendique son autonomie. Ce texte interroge les rapports de domination dans le couple, la place de la femme, et la perversité d’une éducation qui se veut protectrice mais se révèle aliénante.
2. Robert (1930) :
Ce second récit constitue une variation sur les mêmes thèmes, mais du point de vue masculin. Robert est un jeune homme confronté aux conventions sociales et aux injonctions familiales. Pris dans un conflit intérieur entre ses inclinations profondes et le rôle attendu de lui dans une société bourgeoise, il doute de la validité des modèles qu’on lui impose. Gide dépeint ici l’influence étouffante du conformisme moral sur la construction de l’identité.
3. Geneviève (1936) :
Dernier volet du triptyque, ce texte donne la parole à Geneviève, la fille d’Eveline. En se remémorant le destin de sa mère et en découvrant les mensonges et les contradictions des générations précédentes, elle entame une quête de vérité. Geneviève tente de se libérer à son tour des illusions héritées et de construire une existence fondée sur la sincérité.
Conclusion :
L’École des femmes – Robert – Geneviève constitue un ensemble romanesque où Gide poursuit sa critique des institutions sociales figées, en particulier du mariage bourgeois. À travers ces trois récits croisés, il déconstruit les rôles traditionnels attribués aux hommes et aux femmes, en révélant les souffrances causées par l’hypocrisie, le mensonge et les apparences. Fidèle à sa vision morale exigeante, Gide y fait l’éloge de la lucidité, de l’indépendance de l’esprit et du courage d’être soi-même, même contre les normes établies. Ce triptyque s’impose comme une réflexion subtile et toujours actuelle sur les rapports humains et les mécanismes d’aliénation dans les relations affectives.
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Biographie :
André Gide, né le 22 novembre 1869 à Paris et mort dans la même ville le 19 février 1951, est une figure majeure de la littérature française du XXe siècle. Auteur prolifique, il s’est illustré par la diversité de son œuvre, mêlant roman, journal intime, théâtre, essais et critique. Son style sobre et rigoureux, allié à une quête constante de vérité personnelle, a profondément influencé la littérature moderne. Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1947.
Issu d’un milieu protestant strict et bourgeois, Gide grandit dans une atmosphère à la fois intellectuelle et austère. Son éducation rigide le pousse très tôt à s’interroger sur les fondements de la morale, de la religion et du désir. Dès son adolescence, il se tourne vers l’écriture pour exprimer ses doutes et sa sensibilité singulière.
Son premier ouvrage, Les Cahiers d’André Walter (1891), déjà fortement autobiographique, annonce une œuvre marquée par l’introspection et l’analyse psychologique. C’est en 1891 également qu’il rédige le Traité du Narcisse, bref essai en prose poétique publié en 1893 dans La Revue blanche, puis en recueil. Dans ce texte d’inspiration symboliste, Gide s’empare du mythe de Narcisse non pour en faire une figure de vanité, mais pour en explorer la dimension mystique, esthétique et existentielle. Il y développe l’idée que la beauté, en tant que reflet de soi, est un chemin vers la connaissance intérieure. Le Traité du Narcisse témoigne de l’influence de Stéphane Mallarmé et d’un certain néo-platonisme alors en vogue dans les cercles littéraires décadents.
Au fil des décennies, Gide approfondit sa réflexion morale et sociale à travers des romans emblématiques comme L’Immoraliste (1902), La Porte étroite (1909), Les Caves du Vatican (1914) ou encore Les Faux-Monnayeurs (1925), considéré comme le premier roman français pleinement « moderne » par sa construction et sa mise en abyme. Son Journal, tenu pendant plus de 60 ans, est aussi un document littéraire et psychologique majeur du XXe siècle.
André Gide n’a jamais hésité à prendre des positions audacieuses, que ce soit contre le colonialisme (Voyage au Congo, Retour du Tchad) ou face aux dérives du communisme soviétique, qu’il dénonce dans Retour de l’URSS (1936). Ces prises de position, comme son homosexualité assumée, ont fait de lui une figure souvent contestée, mais toujours respectée pour son exigence intellectuelle et morale.
Conclusion :
André Gide fut un écrivain de la vérité personnelle, de la liberté intérieure et du refus du conformisme. Son Traité du Narcisse, bien que court, résume déjà cette quête d’identité et de dépassement de soi qui irrigue toute son œuvre. Par son exigence morale, sa lucidité critique et sa modernité formelle, Gide a ouvert des voies nouvelles à la littérature française et européenne. Il demeure aujourd’hui un auteur fondamental pour qui cherche à comprendre les tensions entre l’individu et la société, entre l’éthique et le désir, entre la beauté et la vérité.
Serge

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