
Résumé :
Dans cet essai incisif publié en 1947, Antonin Artaud entreprend une véritable réhabilitation de Vincent Van Gogh, qu’il présente non pas comme un « fou » victime de ses troubles psychiques, mais comme un visionnaire lucide, poussé au suicide par l’incompréhension et la cruauté d’une société malade.
Loin d’une biographie classique, le texte d’Artaud est une diatribe poétique, philosophique et politique contre le corps médical, les institutions psychiatriques et les milieux artistiques de l’époque qui ont, selon lui, tenté de museler l’esprit libre et créateur de Van Gogh. Pour Artaud, le peintre n’a pas été vaincu par la folie, mais par une société incapable de supporter la vérité lumineuse et insoutenable de son génie.
Artaud voit dans Van Gogh un frère d’âme, un artiste blessé, comme lui, par les traitements psychiatriques brutaux et le rejet social. Il dénonce avec véhémence le rôle du docteur Gachet, qu’il accuse d’avoir aggravé l’état mental du peintre, et tourne en dérision le discours médical qui pathologise la souffrance artistique au lieu de la comprendre.
L’essai alterne des passages critiques, des invectives, des réflexions métaphysiques et des envolées lyriques qui touchent à l’essence même de l’art. Artaud célèbre le regard de Van Gogh — qu’il qualifie de regard d’incendie — et l’intensité spirituelle de son œuvre picturale, qu’il oppose à la médiocrité rationnelle du monde bourgeois.
Conclusion :
Vincent Van Gogh, le suicidé de la société n’est pas seulement un plaidoyer passionné en faveur du peintre néerlandais : c’est une charge explosive contre la normalisation des esprits et la marginalisation des créateurs véritables. À travers Van Gogh, Artaud défend sa propre expérience de la folie imposée par la société et transforme l’essai en un manifeste poétique contre la répression de la sensibilité. Ce texte incandescent continue de résonner aujourd’hui comme une défense radicale de la liberté créatrice et une dénonciation de tous ceux qui veulent faire taire les voix qui dérangent.
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Biographie :
Antonin Artaud est né à Marseille le 4 septembre 1896 et mort à Ivry-sur-Seine le 4 mars 1948. Poète, dramaturge, essayiste, acteur et théoricien du théâtre, il est une figure majeure de la littérature française du XXe siècle, notamment pour son rôle dans le développement du théâtre de la cruauté et sa pensée radicale sur l’art, la société et la folie.
Issu d’une famille bourgeoise, Artaud souffre dès l’enfance de problèmes de santé chroniques, notamment neurologiques et psychiques, qui le conduisent à une vie marquée par les traitements médicaux lourds, les internements psychiatriques et une solitude profonde. Il s’installe à Paris dans les années 1920, où il fréquente les milieux symbolistes et surréalistes (auxquels il finit par s’opposer), collabore avec des revues avant-gardistes, et entame une carrière au théâtre et au cinéma.
Artaud développe une conception radicale de l’art, qu’il exprime dans des œuvres comme Le Théâtre et son double (1938), où il appelle à une révolution du théâtre occidental, qu’il juge trop cérébral, en faveur d’un théâtre « total », fait de cris, de gestes et de rythmes archaïques. Son écriture, toujours fragmentée, intense, marquée par la douleur et l’urgence, reflète un esprit en lutte permanente avec les limites du langage et de la raison.
En 1947, un an avant sa mort, Artaud publie Vincent Van Gogh, le suicidé de la société, un essai fulgurant dans lequel il prend la défense du peintre néerlandais, affirmant que Van Gogh n’était pas fou, mais victime d’une société incapable de tolérer les esprits libres et visionnaires. Ce texte est aussi un miroir de la propre souffrance d’Artaud, lui-même interné à plusieurs reprises et rejeté par les institutions.
Conclusion :
Antonin Artaud demeure une figure hors norme de la littérature et de la pensée du XXe siècle. Par son œuvre, il a bouleversé les conceptions traditionnelles du théâtre, de la folie et de la création artistique. Vincent Van Gogh, le suicidé de la société est à la fois un cri d’amour pour un frère en douleur et un acte d’accusation contre une société qui étouffe ses plus lucides visionnaires. Artaud, avec sa langue ardente et son refus des conventions, continue d’interroger notre rapport à la norme, à l’art, et à l’humain dans sa dimension la plus incandescente.
Serge

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