
Résumé :
Dans son adaptation de La Chanson de Roland, Joseph Bédier donne une version limpide et fidèle du plus célèbre des poèmes épiques de la littérature médiévale française. Composée au XIᵉ siècle, La Chanson de Roland est un chant de geste anonyme célébrant l’héroïsme, la loyauté et le sacrifice, inscrits dans la mémoire légendaire des Francs et de leur roi, Charlemagne. Joseph Bédier, en philologue et conteur passionné, propose un texte narratif qui restitue la grandeur de cette œuvre fondatrice.
L’histoire se déroule durant la guerre menée par Charlemagne contre les Sarrasins en Espagne. Après sept ans de combats, le roi Marsile, souverain sarrasin de Saragosse, propose la paix. Le comte Ganelon, chargé par Charlemagne de négocier, trahit les Francs en ourdissant un complot contre son beau-fils Roland, vaillant chef de l’arrière-garde.
Tandis que l’armée principale de Charlemagne rentre en France, Roland, accompagné de ses fidèles compagnons — notamment Olivier et l’archevêque Turpin — reste à l’arrière avec vingt mille hommes. Pris en embuscade par une armée sarrasine bien plus nombreuse, Roland refuse d’abord de sonner de l’oliphant pour appeler Charlemagne à l’aide, par orgueil et courage. Le combat est d’une violence héroïque : tous les chevaliers francs meurent, Roland le dernier, terrassé par l’effort surhumain de son appel au secours.
Charlemagne revient trop tard pour sauver Roland, mais venge sa mort en écrasant les Sarrasins. Le traître Ganelon est capturé, jugé et supplicié. La fin du poème est à la fois glorieuse et mélancolique, mettant en lumière la grandeur du sacrifice de Roland.
Conclusion :
Dans son adaptation, Joseph Bédier fait de La Chanson de Roland non seulement une épopée héroïque mais aussi une tragédie humaine. Le personnage de Roland incarne à la fois la bravoure et l’orgueil, dont le prix est immense : celui de la mort et de la perte. À travers cette œuvre, c’est tout un idéal chevaleresque qui s’exprime : fidélité au roi, ferveur chrétienne, abnégation. Bédier restitue la force du verbe épique et la beauté tragique d’une France médiévale exaltée. Cette version accessible permet aux lecteurs modernes d’entrer pleinement dans le souffle grandiose du plus ancien chef-d’œuvre de la littérature française.
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Biographie
Joseph Bédier est un éminent médiéviste, philologue et écrivain français, né le 28 janvier 1864 à Paris, mais ayant passé sa jeunesse sur l’île de La Réunion, dont il est resté fortement attaché. Agrégé de lettres, professeur de littérature française médiévale au Collège de France et membre de l’Académie française (élu en 1920), il est l’un des grands artisans du renouveau de l’étude des textes médiévaux en France.
Passionné par la littérature des XIIe et XIIIe siècles, Bédier consacre sa carrière à l’édition et à la vulgarisation des grandes œuvres de la poésie épique et courtoise. Son style limpide et érudit a permis au grand public de redécouvrir les chansons de geste, les romans courtois, et notamment la légende de Tristan et Iseut, qu’il adapte en 1900 dans une version devenue classique : Le Roman de Tristan et Iseut. Ce texte, bien que basé sur des fragments divers des versions anciennes (notamment celles de Béroul, Thomas d’Angleterre et des récits postérieurs), recompose avec fidélité et sensibilité le mythe tragique de l’amour interdit.
Outre Tristan et Iseut, Joseph Bédier publie des travaux érudits sur La Chanson de Roland et l’ensemble du cycle épique carolingien. Il joue un rôle majeur dans l’édition scientifique de nombreux textes anciens. Il est également l’un des fondateurs de la Revue des deux mondes, et intervient dans plusieurs débats philologiques, notamment en critiquant la théorie des « chansons de geste collectives » alors en vogue.
Il meurt le 29 août 1938 à Le Grand-Serre, dans la Drôme.
Conclusion :
Joseph Bédier a profondément marqué la redécouverte du Moyen Âge littéraire par ses travaux d’érudition et par son talent de conteur. Avec Le Roman de Tristan et Iseut, il a su redonner vie à l’un des mythes fondateurs de l’amour courtois, en alliant rigueur philologique et souffle poétique. Son œuvre demeure un pont entre la science des textes et leur pouvoir d’émotion : il a su faire dialoguer les siècles, et offrir aux lecteurs modernes l’accès sensible à la grandeur tragique de la littérature médiévale. En cela, Bédier n’est pas seulement un savant, mais aussi un passeur de légendes.
Serge

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